Le principe des déclinaisons

Dans le texte de l'exercice précédent, vous avez eu l'occasion de remarquer que certains mots se ressemblaient beaucoup, et même ne se distinguaient que par leur terminaison et éventuellement leur accentuation. Vous avez sans doute même compris qu'il s'agissait en fait, du moins pour certains de noms propres, et que de ce fait, ils devaient désigner une seule et même personne.

Dhmosqšnhj”Afoboj
”Afobon
Dhmosqšnouj
Dhmosqšnei'AfÒbJ

Les mots variables

Si pour un francophone, le caractère variable du verbe qui prend, selon la personne, le temps, le mode auxquels il est conjugué, une forme différente, est une habitude, le même francophone est bien moins habitué au principe de la déclinaison, dont il ne subsiste en français que de rares traces.

Le principe est le même que celui de la conjugaison, si ce n'est qu'il ne touche pas les mêmes mots et ne s'organise pas de la même façon.
En grec, comme en français, les verbes se conjuguent, c'est-à-dire prennent une forme différente selon la position du sujet du verbe par rapport au locuteur (1ère, 2ème ou 3ème personne), selon que ce sujet est singulier ou pluriel, selon le temps, le mode ou la voix auxquels ils sont conjugués.

Les autres mots variables de la langue grecque, c'est-à-dire les noms, les pronoms, les articles définis, les adjectifs (et avec eux les participes) vont se décliner : ils vont changer de forme selon la fonction qu'ils occupent dans la phrase et selon leur nombre, voire leur genre pour les pronoms, les articles, les adjectifs et les participes.

Comme pour les verbes, la variation pourra se produire à différents niveaux, soit au niveau de la désinence, soit au niveau du radical.


Radical et désinence

Le radical est l'élément qui permet d'identifier la racine à laquelle le mot se rattache et constitue, normalement la partie fixe du mot. Il arrive néanmoins qu'au cours de la déclinaison un radical subisse en apparence certaines modifications ou qu'un mot change tout simplement de radical.

Les variations de radical

Mais l'essentiel des variations se produit sur ce que l'on appelle la désinence, c'est-à-dire la partie du mot qui a justement vocation à changer pour porter la marque, l'indication permettant de définir la fonction, le genre et le nombre du mot concerné.
Ces changements de désinences ont pu être analysés par les grammairiens qui ont ainsi mis en évidence

  1. qu'il y a, pour un mot donné, une liste finie des désinences qu'il peut adopter (définition d'une déclinaison),
  2. qu'il y a un nombre fini de déclinaisons, chacune regroupant les mots dont la déclinaison est identique (distinction de différentes déclinaisons).

Chaque liste de désinences, autrement dit, chaque liste des terminaisons qu'un mot peut prendre, est appelée "déclinaison".
Furent ainsi définies :

Les cas

Chaque forme du mot est appelée cas, et l'on peut donc attribuer, dans chaque déclinaison, une désinence à un cas.
Pour le francophone, l'on verra donc que les cas seront utilisés pour signaler la fonction du mot dans la proposition. L'on pourra donc essayer de dresser un tableau de correspondances entre les cas grecs et les fonctions françaises, et éventuellement l'inverse, dans la perspective du thème. Un tel tableau ne peut être qu'indicatif et ne peut rendre compte de nombreuses subtilités ou différences qui seront abordées par la suite.

CasFonctions
NominatifSujet, attribut du sujet
VocatifApostrophe
AccusatifComplément d'objet direct, attribut du complément d'objet direct
GénitifComplément du nom
DatifComplément d'objet indirect, complément d'objet second,
certains compléments circonstanciels

Le grec compte donc 5 cas, et cela pour chaque nombre.

La proto-langue indo-européenne comptait semble-t-il 8 cas au total, c'est-à-dire 3 de plus que n'en compte le grec classique. Ces cas sont l'instrumental, l'ablatif, conservé en latin et le locatif, partiellement conservé en latin, mais aussi en grec de manière très réduite. D'une manière générale, les rôles tenus par les cas qui ont disparus ont été redistribués au niveau des cas restants.

Les cas sont également utilisés comme régime de certaines prépositions, c'est-à-dire qu'une préposition sera suivie (ou précédée lorsqu'il s'agit d'une postposition) d'un groupe nominal ou de son équivalent à un cas donné. Telle préposition se construira avec l'accusatif, telle autre avec le génitif, ou encore avec le datif. Seuls ces trois cas peuvent en effet servir de régime à une préposition. A noter qu'une préposition peut changer de sens selon son régime.

Dans le texte du Sujet du Contre Aphobos de Démosthène, l'on peut relever par exemple :

C'est donc en jouant sur les cas et sur les prépositions que le grec construit ses phrases, et c'est en tenant compte de ces indications, que le francophone devra analyser et découper la phrase grecque, pour y retrouver, du moins au début, les fonctions auxquelles il est habitué.

L'ordre des mots

L'importance de la déclinaison en grec est grande car, alors que la syntaxe française repose énormément sur un ordre des mots précis et arrêté, il n'en est rien en grec. L'ordre des mots y est relativement libre, ce qui permet des effets de style très nombreux.
Dans une phrase déclarative française, on attend le sujet avant le verbe et seules quelques rares exceptions proposent une organisation différente. En grec, il n'en est rien, l'auteur est à peu près entièrement libre de placer ses mots où bon lui semble dans la proposition.
Ainsi dans la phrase française "Clitophon aime Leucippé." , une seule interprétation est possible (Clitophon est amoureux de Leucippé.) en raison de la règle de l'ordre des mots. En revanche si l'on prend les trois mots en dehors de toute phrase, quatre combinaisons sont possibles pour arriver à des phrases de sens très différents :

  1. Clitophon aime Leucippé.
  2. Leucippé aime Clitophon.
  3. Clitophon, aime Leucippé !
  4. Leucippé, aime Clitophon !

En grec, pour chacune des quatre phrases les mots auront une forme différente qui permettra d'identifier précisément la fonction de chacun, quelle que soit sa place dans la phrase.

  1. T¾n Leuk…pphn Ð Kleitofîn file‹.
  2. TÕn Kleitofînta ¹ Leuk…pph file‹.
  3. Kleitofîn, f…lei t¾n Leuk…pphn.
  4. Leuk…pph, f…lei tÕn Kleitofînta.

On pourrait dire qu'un mot, selon la fonction qu'il tient dans une proposition, prend une couleur, et que c'est grâce à cette couleur que l'on reconnaît cette fonction.
Clitophon aime Leucippé.
`O KleitÒfwn file‹ t¾n Leuk…pphn. ou T¾n Leuk…pphn file‹ Ð KleitÒfwn.
Violet=sujet
Rouge=complément d'objet direct

En résumé...

L'ordre des mots est très libre en grec et ne peut donc servir à identifier la fonction d'un mot dans une proposition.
Noms, articles, pronoms et adjectifs se déclinent, c'est-à-dire voient leur radical être complété par une désinence qui varie selon la fonction tenue par le mot en question ou le groupe de mots auquel il appartient, dans la proposition.
Chaque désinence correspond à un cas auquel sont associées une ou plusieurs fonctions. Le grec compte 5 cas : nominatif, vocatif, accusatif, génitif et datif.


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